L'Anjou constitue la plus dense région du troglodytisme
français et une de plus dense de l'Europe.
C'est vraiment une région caverneuse qui comporte
des habitations isolées, des hameaux et des villages
entièrement creusés dans le calcaire, comprenant
aussi bien l'habitat paysan, bourgeois, religieux, sans
oublier les quelques milliers de kilomètres de galeries
souterraines. Entre Saumur et Montsoreau, derrière
chaque maison, ou chaque mur, on peut deviner des portes
voûtées, des courettes ou des ouvertures creusées
dans le rocher menant vers l'inconnu. Ces villages sont
nombreux. En passant le long de la Loire, on découvre
Gennes, Trêves, Cunault, Chêne-Hutte-les-Tuffeaux,
Saumur, Dampierre, Souzay-Champigny, Turquant et Montsoreau.
Puis en descendant vers le sud, on peut suivre la route
de Fontevrault, Saint-Cyr-en-Bourg, Doué-la-Fontaine,
avant de tourner vers le nord, pour fermer la boucle par
Dènezè-sous-Douè, Rochemenier, Louerre,
Grésille et Coutures.
Liste des picipaux sites en Anjou
Il ne s'agit là que de quelques localités
parmi d'autres, qui méritent le détour, mais
qui, malheureusement, sont trop peu et trop rarement mises
en valeur. Les découvertes ne s'arrêtent pas
là. Le sous-sol angevin recèle des richesses
encore plus curieuses que l'habitat souterrain, mais celles-ci
sont plus difficiles d'accès. Des souterrains secrets,
avec des entrées discrètes, perdues dans la
nature. Ainsi certains textes d'archives, mentionnés
par J. et C. Fraysse signalent
la présence dans de nombreuses communes de souterrains,
de salles et d'églises troglodytiques, dont on ne
trouve plus aucune trace à la surface, les entrées
étant éboulées. Aujourd'hui, plus personne
n'est capable d'indiquer leur emplacement. Les chercheurs
de trésor et d'insolite peuvent se mettre au travail.
Depuis quelques années, la valorisation touristique
a permis la découverte
par un plus large public de certains sites régionaux.
Cependant, cela ne représente qu'une faible partie
du potentiel troglodytique régional.
L'habitat
Au début du siècle, on en comptait en France
encore quelques dizaines de milliers. Dans les années
1960, selon E. Utudjian vingt-cinq mille troglodytes vivent
en France. Aujourd'hui ? Difficile à dire, quelques
centaines ou quelques milliers peut-être, dont un
bon nombre en Anjou. L'Anjou et la Touraine constituent
la principale concentration du troglodytisme en France.
Ici habite encore la majeure partie des troglodytes français.
Par rapport à la zonation climatique cette localisation
s'explique mal. Elle est la plus septentrionale du phénomène
troglodytique en Europe. L'Anjou appartient au coeur historique
et culturel de la France. Ici, les vignobles et les châteaux
se reflètent dans la Loire majestueuse. Ici, sous
ces vignobles et sous ces châteaux, en plein coeur
de l'Europe, nous pouvons rencontrer un autre mode de vie,
si proche de cette France authentique - dite profonde !
La Fosse, près de Doué la
Fontaine
Parfois, la seule trace visible d'une habitation
angevine est une cheminée et, éventuellement,
une antenne de télévision dépassant
du soi. Le jardin pousse sur le toit, les fenêtres
et les portes s'incrustent dans la roche, pleine de soleil.
La Fosse
De nombreux angevins avaient adopté le troglodytisme
comme mode de vie. Au Moyen Age, le village de Turquant,
aux bords de la Loire (France) avait seulement trois maisons
construites pour plus de mille habitants. Ce n'était
pas une exception. A l'époque tout le monde habitait
en "troglodyte": les paysans, les artisans, mais
aussi les ecclésiastiques et même les nobles.
Classiquement, les spécialistes présentent
deux concepts principaux du troglodytisme :
1 - celui du troglodytisme horizontal ou latéral
utilisant, pour ancrer ses édifices, les irrégularités
de la surface terrestre comme les falaises (côteau
de la Loire), les escarpements, les collines. Il constitue
d'une certaine manière, la prolongation dans le temps
du site en abri sous roche.
Bas
Sauné
2 - celui du troglodytisme vertical, où, à
défaut d'un relief suffisant, les troglodytes le
créent, s'enfonçant dans le sol à la
verticale (région de Doué la Fontaine). Dans
ce cas, on parle du troglodytisme de plaine, même
si ce terme n'est pas toujours adéquat.
Les
Pérrières - Doué la Fontaine
les
souterrains-refuges
Parmi les souterrains secrets, il faut signaler, en premier
lieu, un nombre important de souterrains-refuges, véritables
cachettes individuelles ou collectives, creusées
dans le rocher. L'entrée aboutit à un couloir
étroit et assez bas, ne permettant le passage que
d'une seule personne. Ces couloirs présentent bien
le caractère défensif, comportant de nombreux
pièges, guets, cloisonnements mobiles et, enfin,
au bout de ce passage rétréci, une pièce
avec des banquettes creusées dans la roche.Il peut
s'agir, aussi, d'une salle assez vaste, avec plusieurs couloirs
exigus communiquant, soit avec une autre salle, soit vers
l'extérieur. Voici comment un naturaliste du XIXe
siècle pouvait voir ces souterrains : " Il serait
dangereux de pénétrer sous ces voûtes
obscures sans avoir de conducteur, car, outre qu'elles s'étendent
fort loin, on peut courir les risques de se précipiter
dans un puits qui s'y trouve. Je ne chercherai point quel
a été le but qui a dirigé cette singulière
construction, mais, en considérant l'embouchure étroite
qui y conduit, la difficulté même qu'il y a
d'y grimper, on ne peut s'empêcher de croire que cela
n'ait été fait pour un motif extraordinaire.
Dans plusieurs endroits, aux environs de Saumur, on rencontre
de même des demeures souterraines, faites avec autant
de mystère, et où, cependant, on reconnaît
qu'elles étaient destinées à cacher
un grand nombre de personnes. " (Dr Gaulay, 1807).
l'habitat
seigneurial
En étudiant le milieu troglodytique encore vivant,
on ne peut que constater qu'il ne concerne plus que des
personnes âgées et de condition modeste. C'est
pourquoi, il peut apparaître surprenant de retrouver
les traces de demeures troglodytiques seigneuriales, véritables
châteaux, comme c'est le
cas à Souzay-Champigny ou à La Vignole.
Signalons aussi le château de Brézé
avec un surprenant complexe défensif troglodytique
datant du Moyen-Age.
En dehors de ces quelques grandes demeures bien connues,
répertoriées et maintenues en bon état,
au hasard des chemins, il est possible de croiser des vestiges
d'antiques demeures seigneuriales troglodytiques, malheureusement
abandonnées, rongées par le temps et la végétation.
On peut s'attarder aussi un instant sur ces fuies souterraines
(pigeonniers). Il s'agissait d'un privilège réservé
aux nobles, et accompagnant les résidences. Certains
pigeonniers pouvaient mesurer plus de dix mètres
de haut et comporter plusieurs milliers de boulins (niches
pour les pigeons) .
un
hôpital souterrain
La sortie de Saumur, dans le parc de Notre-Dame des Ardilliers,
dans le coteau, on peut apercevoir une série de caves
de l'Hospice de la Providence. Ces lieux furent ainsi décrits,
en 1807, par le Docteur Gaulay :" C'est par le jardin
que l'on se dirige vers le local nommé " les
caves ". Cette partie de l'Hospice mérite une
attention toute particulière : sa situation, le nombre
d'individus qui l'habitent en font, pour ainsi dire, un
nouvel Hospice... Dans un rocher très étendu
et de plus de cinquante mètres de hauteur..., la
nature calcaire de la pierre a permis qu'on creusât
des voûtes
profondes.. Un large escalier, pratiqué sur la pente
du rocher, se termine à une esplanade longue de cent
mètres environ; elle est bornée, d'un côté,
par une allée de hêtres fort élevées
(fagus silvatioa), au sud par le coteau taillé à
pic, surmonté par le bois. Dans toute l'étendue
de cette esplanade, on a creusé dans le roc une grande
quantité de petites cabanes, ou loges,
habitées par des hommes maniaques, ainsi que par
des vieillards pensionnaires, qui, ne pouvant plus travailler
a cause de leur âge ou de leurs infirmités,
choisissent cet Hospice... Toutes ces loges sont peu profondes,
percées dans une roche très sèche,
et elles sont en générales très
saines. Celles des fous présentant les mêmes
avantages; elles sont fermées par des portes a claire-voie,
fortement scellées dans le roc..."
les
carrières
Pour quelqu'un qui n'est pas habitué au monde des
ténèbres, le premier contact, avec les vieilles
carrières, peut paraître inquiétant.
L'obscurité y est totale tout comme le silence, l'air
ne bouge pas, les points de repère s'effacent.
En suivant les galeries éclairées par le
faisceau lumineux de sa lampe, le visiteur découvre
l'environnement que partiellement, en fonction de la direction
de l'éclairage. _ chaque passage, les galeries pouvaient
dévoiler une autre image. En fonction de la nature
de la roche, le dessin des
carrières et les impressions sont différentes.
L'Anjou cache dans ses entrailles plusieurs milliers de
kilomètres de ces galeries souterraines. Une partie
de ces caves abrite les caves à vin et les
champignonnières qui font de cette région
le premier producteur français du champignon de Paris.
Dans le tuffeau, les galeries sont souvent basses et sinueuses.
A certains endroits, elles donnent accès à
des espaces libres, gigantesques, ponctués par des
forêts de piliers.
Les
Périerres - Doué la Fontaine
Dans les faluns, les galeries suivent une logique géométrique.
Elles sont droites, parallèles les unes aux autres,
avec des passages perpendiculaires. Cette logique implacable
fait ressembler toutes les galeries, les unes aux autres,
le risque de perdre son chemin est très grand. Enfin,
les galeries dans les faluns sont beaucoup plus hautes.
Certaines dépassent facilement dix et même
quatorze mètres de haut. Ce n'est pas pour rien qu'à
Doué-la-Fontaine, on les nomme " les cathédrales
"
les
atouts et les faiblesses touristiques de l'Anjou
Les Pays de la Loire ont la renommé de disposer
d'un patrimoine culturel riche et d'un cadre de vie agréable
illustré par la " douceur angevine ". Mais
c'est avant tout une région de passage.
La route touristique des bords de la Loire, lieu de circulation
rapide entre Saumur et Fontevraud, en est une parfaite illustration.
Sur cette nationale, il y a peu d'incitation à s'arrêter
et à découvrir de nombreuses curiosités
locales. Les communes du Saumurois, en dehors de Doué
la Fontaine, ne semblent pas avoir consenti un effort important
pour l'accueil et l'animation touristique sur les sites
troglodytiques. En effet, nous pouvons observer une insuffisance
voir un manque évident de services privés
ou collectifs (parking, commerces, animations,...). Les
sites touristiques troglodytiques mènent une politique
indépendante et concurrentielle à l'échelle
des petites entreprises locales. Elles n'ont ni l'envergure,
ni les moyens pour hisser le patrimoine troglodytique de
la région au niveau de celui des châteaux qui
représentent l'élément moteur du tourisme
régional.
La région constitue la 4ème destination touristique
des Français et la 11ème des étrangers.
Pour le contingent étranger, malgré la renommé
mondiale, le chiffre est très faible, alors que cette
clientèle en France est en progression (+ 3,5%).
Dans le domaine de l'hôtellerie, les nuitées
d'étrangers dans les Pays de la Loire représentent
seulement 15% du total. D'une manière générale,
les Pays
de la Loire ont enregistré en l'an 2000, une baisse
de 3,1% des nuitées, alors que pour la France, la
Direction du Tourisme signale près de 185millions
de nuitées dans l'hôtellerie homologuée
en 2000, soit 4 millions de plus qu'en 1999. La principale
destination touristique de la région est le littoral.
La baisse de la fréquentation en l'an 2000 est conditionnée
en grande partie par les
problèmes causés par la marée noire
qui a touché les littoraux vendéens et bretons.
L'intérieur du pays, malgré les châteaux,
constitue avant tout une région de passage, ponctué
par des étapes, mais rarement par des destinations
finales. L'exemple du parc du Puy du Fou est significatif,
car l'essentiel des visiteurs provient du littoral atlantique.
Ce phénomène de passage constitue la préoccupation
majeure des responsables et des professionnels du tourisme
de notre région. En effet, près de la moitié
des visiteurs venus dans le Saumurois ne séjourne
qu'une seule journée dans la région. Ce caractère
de passage est aggravé par le fait que plus du
tiers des touristes enregistré dans les Pays de la
Loire, se concentre principalement sur les mois de juillet
et août. En dehors des châteaux de la Loire,
les principaux lieux de visites à l'intérieur
de la région sont (selon les chiffres de l'O.R.T.
pour 1999-2000) :
le Parc du Puy du Fou (700.000 visiteurs par an) ;
la Cinéscénie (372.900 visiteurs par an) ;
le Circuit Automobile du Mans (330.200 visiteurs par an)
;
le Zoo de la Flèche (291.097 visiteurs par an).
Il est important de préciser que dans le volet touristique
du contrat de Plan Etat-Région 2000-2006, le renforcement
de l'activité touristique dans les Pays de la Loire,
bénéficie d'un financement de 62 millions
de francs, pour, entre autres :
- Renforcer les pôles touristiques et valoriser
les sites ;
- Accroître le professionnalisme et renforcer
l'identitérégionale.
La majorité des cavités souterraines constitue
un problème pour de nombreuses municipalités
(dégradations, manque des moyens pour l'entretien,
manque des connaissances dans le domaine de la conservation,
incompréhension du phénomène), mais
aussi un danger. Les récents effondrements du coteau
en sont la meilleure illustration. Ainsi, il existe une
véritable lacune en ce qui concerne la CONSERVATION
et LA MISE EN VALEUR de ce patrimoine.